COMMENTAIRES

Dans la démarche de Nicole Sauvagnac, le concept disparait. Elle écoute et laisse l’énergie la parcourir librement pour trouver le contact direct  avec son espace créateur. Le processus vivant de l’acte immédiat chemine souterrainement au cœur d’elle-même avant de surgir comme une évidence. Le concept se dégagera ensuite pour nommer ce qui voulait se montrer.

Pourquoi ainsi et non le contraire ? Pour le plaisir de répondre au désir de se laisser porter par la pulsion ? Sans doute, mais surtout parce que ce long murissement intérieur est le seul accès à la profondeur et que le véritable acte créateur n’en surgit qu’en son temps, qu’il faut savoir attendre.

A l’écoute des reflets, des échos, des relais, elle aime jongler, faire dialoguer les différents moyens d’expression. En elle, le texte se fait image et l’image texte, l’un et l’autre se répondant dans une même impulsion créatrice. Dans le lâcher-prise mental elle atteint un perçu global qui la relie au mystère du vivant. Cette mise en relation libère ainsi l’énergie nécessaire à sa manifestation.

Chaque exploration est comme une entrée dans l’inconnaissable pour accroître la connaissance. Pour cela elle doit abandonner toute volonté personnelle, tout ce qui pense, calcule, conçoit pour laisser le vivant œuvrer. C’est à une volonté autre que la sienne, plus souterraine et plus large, qu’elle obéit.

Ce processus de l’œuvre la porte.

Emile Noël  (1981)
Producteur à France Culture
Enseignant à l’Université PARIS VIII

En 1975, Nicole Sauvagnac fonde à Paris le « Théâtre de l’Immédiat ». On peut  penser à un pléonasme : le théâtre  par principe est immédiat. Mais cet étrange rapprochement n’est pas hasardeux.  Est immédiat  qui opère,  se produit ou est atteint sans intermédiaire, dans l’espace comme dans le temps. Or le but, ici, pour l’acteur,  est  d’opérer le plus directement possible avec ses mouvements intérieurs, pour qu’ils soient ressentis de même par le spectateur.  But  inaccessible stricto sensu, certes,  mais on peut tendre à l’approcher.  Cela  suppose  un  travail  destiné  à réduire,  sinon  à  supprimer  totalement,  la  distance  de  médiation.

Nicole Sauvagnac  parle «  d’improvisations calculées ».  Etrange rapprochement, encore une fois, mais qui indique bien que l’on n’entend pas tomber dans la banalité utopique de la spontanéité totale, source de  pseudo-improvisations  qui  le  cède   à  la compulsion  de répétitions stériles.  Alors  que,  branchées sur des trames constituées mais ouvertes,  la  spontanéité  brode d’innombrables dérivations.  Un peu  comme  un  système  algorithmique  à  plusieurs  degrés de  liberté  offre un nombre  indéfini  de bifurcations potentielles.

Au fil des représentations, à la manière du rêve verlainien  « étrange et pénétrant »  de la femme inconnue,  un spectacle n’est  jamais « ni tout à fait le même ni tout à fait un autre ».  Cette impression, liée au ressenti du moment,  jaillit de la rencontre,  en temps  réel, du  dedans  et  du dehors,  du  monde  intérieur avec l’environnement  là,  ici  et  maintenant.

Entre  «  l’immédiat et l’improvisation calculée »,  de nouvelles  réalisations artistiques mènent  Nicole Sauvagnac  à  ce  qu’elle  appelle  des « détournements de spectacles. »  Peut-être  pourrait-on  parler de  «  déplacements »,  où  l’on voit  un  objet  théâtre  devenir  livre- spectacle  ou livre-objet,  une  exposition  susciter  en  retour  une  performance.

En réalité,  le spectacle reste au cœur de la présence,  portant  l’étroite  relation de l’écriture  et  du corps,  où le verbe  émerge du geste.  Dans  le  passage  du  vocal  au  langage  articulé .…  on  entend  la  musicalité  du  corps  .…  on  voit  les  mouvements  du  son  ….  et  le mot  vient  y  sculpter  l’espace.

Ainsi, la performance  SAFAR,  annonce  l’exposition  DESERTS IMAGINAIRES,  Elle ouvre  des  paysages  intérieurs  dont  les  déferlantes  énergétiques  viennent  baigner  les rivages  de  l’ Etre.

Patrice Pavis  ( Paris 1981 )
Professeur d’Etudes théâtrales
Université du Kent Canterbury
Korean national university of the arts

Université Paris VIII

SAFAR

Un corps en plein élan

 embrasse les matériaux de l’univers :

L’air et la terre à la surface, le feu au centre.

Ici, pas d’humidité, mais pas d’aridité.

Un voile est posé sur une forme humaine,

il habille le mouvement.

Etole couvrant la peau, chuchotement des coloris,

tout concourt au sensible.

Et puis les bras s’étirent et le tissu s’allonge.

Et le corps rencontre une masse minérale

 assoupie dans la rondeur.

Et tandis que les graphismes se placent en accolade,

le corps humain veille à tracer des lignes.

Embrasée de lumière, l’étoffe épouse le vent.

Disparition corporelle, apparition sculptée sur le nu du relief.

Les cœurs du paysage sont bordés de la corolle du tissu.

Une main délicate noue les torsades.

Puis des continents se séparent

ouvrant une brèche
sur l’infini.

Dany Moreuil – 1995
Philosophe
Écrivaine et chorégraphe

SAFAR

En conjuguant si poétiquement ses rêves photographiques issus du Sahara et la danse voilée tissue de sa traversée, l’écriture bouclée de fils d’or ou d’argent et la calligraphie sonore des vocalises dont elle fait la trame de son « récit- récital », Nicole Sauvagnac réussit, dans une scénographie non moins plurielle que singulière, une performance surréelle autant mouvante qu’émouvante. Sans jouer sur le mot, mais en prenant à la lettre arabe son « Safar », je propose de dire, comme à travers ce voyage liturgique : elle sait poursuivre l’intention qu’ont certains créateurs de concilier l’en- deçà et l’au-delà de leur existence pour élargir le champ de notre conscience à la notion de finitude à travers leurs œuvres d’art, elles-mêmes achevées et pourtant passagères.

Yann le Pichon
Historien et critique d’Art
Octobre 1995

DESERTS IMAGINAIRES
3 oeuvres – performance – exposition – livre d’artiste

La vision artistique de cette œuvre se situe quelque part  entre le sud saharien et le souvenir d’une trace laissée dans un rêve.

Repère furtif à la frontière de l’oubli, itinéraire d’écriture en mutation où l’image se fait texte et le texte image. Subvertis, ils s’articulent pour capter la vibration signifiante à la limite de la perception, à cet endroit où le mot le cède au sensible pour transfigurer l’espace en un paysage parlant.

La banderole des mots courant tout au long de l’exposition, n’est qu’un écho lointain d’une autre rive se réfléchissant sur les formes transfigurées affranchies du concept et de la description. L’itinéraire pictural reste souterrain. La succession des tableaux n’en reflètent que l’essence. La composition, à la fois réaliste et transposée, totalise figuratif et non figuratif. Au cœur même de l’ensemble abstrait se retrouvent les multiples facettes du désert. Ces évocations se répondent ou s’opposent, se confrontent ou s’épousent.

Au spectateur de trouver le sens des signes puisqu’il ne reste plus que le signe du sens. Ces formes-passages souhaitent conduire le visiteur vers une vision poétique globale, le saisir dans le mouvement de la double réalité – lire et voir –  du regard Regard qui  tournoie dans la matière vivante des formes et circule dans le dédale sensible du parcours.

Ne pas trop quitter les pistes…
mais Désensabler les routes imaginaires…  
Entrer dans le dépaysement subtil du vivant…
Contempler son visage, tracé à la pointe de l’effacement…
Inspirer la ligne impérative de son poème…
cachée dans l’empreinte secrète de son esprit.

Emile Noel (1996)
Producteur à France culture
Enseignant section théâtre

Université Paris VIII

DESERTS IMAGINAIRES

IL n’est pas douteux que l’intérêt que nous portons l’un et l’autre au désert relève d’un climat mental foncièrement différent : artiste et poète, vous vivez dans l’imaginaire, tandis que j’ai un contact direct et concret avec la réalité des pierres et des êtres vivants.

Puisque vous avez bien voulu venir me montrer les images figurant dans vos expositions, je dois reconnaître que le monde magique créé à la fois par votre intuition et votre talent mérite pleinement l’attention du spectateur. Et si ce dernier demeure a priori peu compétent, ce qui risque d’être souvent le cas, vous allez le convier à une lente exploration, pouvant exiger beaucoup de temps et de réflexion mais capable de le conduire finalement à l’initiation que vous lui avez préparé.

C’est dire tout l’intérêt qui s’attache à une œuvre certes mystérieuse au premier abord mais qui doit réserver aux chercheurs, un parcours surprenant.

On peut donc être assuré que l’œuvre de Mme Nicole Sauvagnac doit se voir systématiquement reconnue et bien entendu matériellement encouragée.

Théodore Monod
Paris, le 31 Mai 1996
Museum d’Histoire Naturelle
43 rue Cuvier – 75005 PARIS

L’OCEAN EST UNE ILLUSION VERITABLE

On aurait tort de croire que le monde a un sens. Nicole Sauvagnac nous  démontre qu’il n’en possède pas un, mais bien davantage !

Il comporte des sens géométriques, évidemment, pas uniquement haut-bas, droite-gauche ou devant-derrière, mais inversé, aplati, divisé, arrondi, décalé, en miroir, pivotant, que sais-je ? Ondoyant et divers, tel le kaléidoscope cher à Marcel Proust.

Le travail photographique et plastique, l’effort de distorsion du réel, puis de sa réinterprétation, tout témoigne, chez l’auteur de ces images, d’une volonté de quêter la réalité ailleurs que là où chacun l’imagine personnellement. Nicole Sauvagnac s’empare d’un cliché qu’elle a pris quelque part, sous un certain angle, avec une certaine lumière et une focale donnée, et elle le transfigure. Ou bien elle en modifie l’échelle, ou bien encore elle en extrait un détail qui s’impose comme le cœur de la scène… Le résultat est époustouflant : elle recrée un univers plus vrai que celui d’origine. Elle utilise les éléments du monde perceptible pour bâtir un autre monde – un peu comme les constructeurs du Moyen-Age utilisaient les matériaux latins pour édifier leurs cathédrales…

L’eau, plus que tout autre élément, convenait à ce travail. Le liquide change de forme spontanément. Il est immense quand il est océan, mais il se résume aussi dans une goutte de rosée ou dans une larme. Il joue avec la lumière comme le magicien avec nos sens. Il est hostile, obscur et invivable pour l’homme quand il compose les abysses. Mais, aux faibles profondeurs, le plongeur s’y coule avec délices, tandis que le poète s’y immerge en rêve.

L’océan constitue le lieu où tous les sens et toutes les pensées s’exaltent et en même temps se soumettent. Nous le savons de façon instinctive et nous en sommes éblouis.

Voilà pourquoi les inversions et les distorsions, les destructions et les reconstructions, les métamorphoses et les anamorphoses de Nicole Sauvagnac nous introduisent dans les profondeurs mêmes de notre existence, jusqu’à nos mystères les plus intimes.

L’océan nous est cher parce qu’il est tout entier poème.

                                                                      Yves Paccalet (2009)
Philosophe, écrivain, journaliste…

NICOLE SAUVAGNAC  est une ARTISTE.

Voilà. On a déjà tout dit dans cette petite phrase.

Mais l’envie est grande de préciser, tant elle nous entraîne vers un monde émouvant,

grave et fragile à  la fois : un monde qui touche au profond de la vie, avec son cortège

d’intuitions et d’émerveillements.

Elle se situe dans la mouvance de la photographie plasticienne.

Nous pourrions la définir comme un « poète de l’image ».

Forme, texte, mouvement, musique, tout compte, tout est là

Plus ou moins visible, tout en subtilité.

Le passage entre les arts est sous-jacent, instinctivement vécu par l’artiste

et ressenti par le spectateur.

Les photographies sont magnifiques, groupées, inversées, déplacées, mises en scène.

Mais :    Il ne s’agit en rien d’une simple exposition de photographies.

Au long du parcours, nous sommes plongés à chaque instant dans la sensation de

quelque chose de fondamental.

Un monde se révèle dans ce qu’il a de déroutant, de mystérieux, comme une invitation

 à le penser, à le repenser.

 Plus que jamais la « pittura e cosa mentale ».

Plus que jamais la photographie, réinventée ici, est «  chose de l’esprit  ».

Merci à Nicole Sauvagnac de nous insuffler ainsi le désir de ne rien perdre
de la beauté devinée de la vie.


Catherine Lucas-Brandicourt
Historienne d’art (2010)

 

A propos Du livre «  Infiniment Océan »

Ce qui est montré dans Infiniment Océan ne ressemble à rien d’autre.
Croyez-vous vraiment que, à propos de l’océan, tout a été vu, tout a été dit ?
Que le thème est usé ?
Aux antipodes des clichés, les tableaux photographiques de Nicole Sauvagnac, témoignent du contraire.
Chaque image appelle à davantage d’immersion. Les œuvres de la mer vibrent de puissance et de simplicité selon des formes insoupçonnées.
Sous les lubies du ciel les terres océaniques nous livrent leurs trésors. Elles sont le résultat d’un flux incessant qui érode et cisèle. Le temps y joue de la taille douce. C’est lui le maître d’œuvre.
Ces images font du bien, non simplement comme des allègements de l’âme, mais en tant que révélation. Elles nous guident, étape après étapes vers les immensités foisonnantes. Elles nous poussent à explorer les fonds inconnus et elles portent atteinte aux faux-semblants.

De la surface à l’embrasement en passant par le creux des quiétudes, les phrases bavardes qui ont le haut du pavé perdent leur ascendant et le langage devient cristallin.
Les mots inscrits dans les tableaux ne sont pas là pour faire mot. Ils sont là pour porter les profondeurs au plus haut.

On peut s’ennuyer à mourir à la surface d’un monde lisse et médiatique. Cette exposition nous indique qu’il suffit de franchir la ligne des apparences.
A fleur d’eau et au- delà, se trouve une somptueuse collection minérale et végétale.

Sa splendeur est si discrète que sans l’œil de Nicole Sauvagnac nous la manquerions.

Grâce à son art, nous recevons l’énergie d’un espace qui soulève des vagues de vie.

Dany Moreuil – 2009
Philosophe
Écrivaine et chorégraphe

I N F I N I M E N T   O C E A N

De

Nicole SAUVAGNAC

Quel mystère recèle-t-elle pour que naisse sur ses rives la pensée philosophique : Milet, Alexandrie, Agrigente, Elée….

En tournant ces pages, il m’a semblé que ce mystère était semblable à ce  qu’a cherché à capter, avec tant de talents, Nicole Sauvagnac.

Mystère de l’infini ! Les Présocratiques, dans leur souci d’accéder à une pensée rationnelle, ont préféré le terme Indéfini  ! subtilité de langage qui suggère l’idée d’inachevé.

Le spectacle de la mer ne nous conduit-il pas, naturellement, à penser  l’indéfini  ? Indéfini de l’horizon, de la fluidité des couleurs, de l’ombre, de la lumière, des formes… Indéfini ou s’imagine la gestation de l’être dans un monde fluide et animé qui incite au mouvement, y compris celui de la pensée.

La qualité exceptionnelle du regard de Nicole Sauvagnac nous pousse à regarder différemment, à nous décentrer, à perdre nos repères habituels. Il est bien possible que dans ce parcours, nous accédions à des moments de vie vraie, à des instants de sérénité.

Sylvie Petin
Philosophe
20 mars 2009

Le livre « INFINIMENT OCEAN » de Nicole Sauvagnac

me fait penser à ce que nous dit Louis Cattiaux:

« Le sage voile la vérité en la mettant en évidence »

Irais-je donc tenter de décrire le travail de Nicole Sauvagnac ?

Pire, entreprendrais-je de l’expliquer ?

De l’assigner à résidence dans le piège des mots ?

Non, car les mots sont représentation, alors que les compositions
photographiques de Nicole  Sauvagnac sont présence et que rien
n’est plus irréductible à la représentation que la présence.

Quoi faire alors et à quoi bon prendre la parole ?

C’est que je ne parle pas, ici au moins, pour démontrer, mais pour témoigner. Témoigner de la rencontre émouvante et tendre avec Nicole comme avec son œuvre. Comme tout artiste authentique, Nicole reçoit le vivant. Ainsi que le rappelle Michel Henry : «  cette vie dans laquelle personne ne s’apporte en propre, est une grâce et n’est que cela. Un don. L’accepter ou le refuser : toute notre existence découle de ce choix. Nicole a ce don d’accueillir et de restituer cette grâce incarnée en elle.

Son livre, INFINIMENT OCEAN n’est ni une thèse, ni non plus un
simple recueil : il est une aventure. Elle s’y laisse complètement
agir par la vie elle-même, dont les forces sont infinies.

Thierry Berlanda
Philosophe et écrivain
Paris, juin 2014

Au fil de l’eau, au fil des mots

INFINIMENT OCEAN, livre d’artiste de Nicole Sauvagnac, est une œuvre d’art à part entière. Récit visuel où l’écriture mène à l’image, où le mot éclaire le mystère de la représentation.

Car l’auteur nous invite à une expérience mystique, à partager une identité-mémoire commune qui conduirait à l’intelligence du monde.

Entendre l’indicible, et discerner  l’invisible. La fluidité de l’eau, la densité des rochers, la mouvance du sable, l’éclat des vagues, tout est convergence des contraires.

L’imagination se perd dans des jeux inversés de reflets lumineux, d’ombres captées, de couleurs et de formes fusionnées, donnant à révéler un microcosme originel.

Les mots choisis, comme un fil tendu, jalonnent le parcours méditatif, suggèrent une interprétation, accomplissent le cheminement de l’œil.
Dans cet harmonieux mélange des sens, à chacun de saisir son propre écho.

Michèle Lefrançois (2016)
Docteur en Histoire de l’Art

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